¡¡¡Chaaaaaa!!!

11 octobre 2007

Le désengagement

Réaction au post de l’excellent CSP (mon pote Thierry pour ceux qui le connaissent) http://comite-de-salut-public.blogspot.com/2007/10/le-dsengagement.html j’incite tout le monde à cette saine lecture.



"J'ai le sentiment que le "désengagement" (appelons le comme ça pour le moment) n'est pas lié à une situation de croissance (encore que c'est spécifique aux pays riches)"


Il y a en effet un rapport entre le désintérêt voir le mépris de beaucoup de personnes envers l'engagement politique (je m'attacherai plus particulièrement à cela même si je suis d'accord sur ton analyse par rapport aux relations amoureuses) et une situation de croissance économique de type capitaliste. Cependant c'est assez paradoxal étant donné par exemple que la chose politique est traitée de manière bien différente dans les pays dits "pauvres" (pas de tradition syndicale, de manifs, de groupes de pensées en Afrique par exemple), et ce parce que pour pouvoir protester, il faut encore avoir satisfait ses besoins vitaux, comme par exemple se nourrir et nourrir sa famille. Loin de moi l'idée de dire qu'en Afrique (par exemple) il n'y a pas de mouvements politiques ni de personnes engagées, ni de soulèvements, ce serait absurde et faux. Ce que j'essaie de dire c'est qu'on ne peut pas parler dans ce cas de désengagement, parce que les conditions nécessaires à l'engagement de la société ne se sont pas données de la même façon que dans les pays occidentalisés.
D'où le problème à l'heure de trouver des liens de cause à effet entre désengagement/croissance économique des pays "riches".

De plus, ce flou analytique persiste lorsque l'on se penche sur la situation de pays qui sont dans le vague entre ce fameux "développement" à atteindre, et des traces encore persistantes de "sous développement" (je met des parenthèses car ces thèmes sont décidemment très connotés FMI, BM, et ne permettent pas toujours d'avoir une vision juste des choses); je veux parler ici des pays d'Amérique Latine, et je prendrais le cas du Chili car c'est celui que je connais le mieux. il suffit de peu de discussion avec des jeunes, en prenant un groupe d'âge assez varié (15-30) et de statuts sociaux très différents, pour se rendre compte que l' engagement politique n'est généralement pas une préoccupation majeure dans leur vie quotidienne. Et là l'analyse devient encore plus compliquée: parce qu'on est dans un pays qui est encore en voie de "développement", avec des inégalités frappantes, visibles à chaque moment, parce que le Chili est un pays (re) devenu démocratique seulement depuis 18 ans (donc la majorité de la population a vécu en dictature, et beaucoup de jeunes l’ont aussi connu), et parce que les problèmes d’ordre sociaux et politiques sont criants dans cette société ultra libérale qui a finalement peu évoluée depuis la fin du règne de Pinochet.
L’engagement politique chez les jeunes ici n’est pourtant pas fort, alors qu’il y a évidemment d’excellents motifs pour qu’il le soit. Beaucoup d’entre eux voient cela comme un rappel des années les plus sombres du Chili dont finalement ils ne se sentent que peu partie. Ils sont à la fois tiraillés par un furieux besoin de se dessiner leur propre destin, chilien, une identité propre, et l’envie de copier sur l’Europe, sur les Etats-Unis, bref sur des modèles de croissance pré établis. Cela donne une jeunesse qui semble perdue à bien des égards- selon moi cela est du au fait que le Chili n’a jamais vraiment fait un travail de mémoire sur la dictature, preuve en est la mort en toute impunité de Pinochet- et qui quand elle lutte le fait de façon marginale ou peu constructive.
En effet, en juin 2006, alors que la présidente Michelle Bachelet venait juste d’être élue, les collégiens/lycéens ont provoqué un mouvement d’une grande ampleur appelé « la révolution des pingouins » (du fait de leur uniforme) pour protester contre une loi, datant de la dictature et toujours en vigueur qui fait de l’éducation clairement une marchandise comme une autre). Certes les manifs sont ici très régulières (et violemment réprimées), mais de manière générale il n’y a pas de construction d’un mouvement social global et de longue durée qui serait alors constructif et décisif dans le changement de société. Il y a des soubresauts, des ondes de révoltes, mais en effet pas d’engagement profond, et cela se passe aussi dans de nombreux pays d’Amérique du Sud, comme l’ont démontré par exemple les révoltes argentines de 2001. Ainsi, les gens ne sont pas dépolitisés, mais plutôt souffrent d’une perte de foi en une action longue, compliquée, risquée et dont les effets ne se verront peut être pas avant la génération de leur petits enfants…Mais je crois alors que ce symptôme existe alors presque depuis toujours, où une minorité finalement s’engage pour une majorité.
Que ce soit en France ou ailleurs les révoltes, les constructions politiques (ce qui demande un engagement de chaque instant) sont le fruit intellectuel de quelques grands hommes et femmes, dont les masses ne sont finalement que des instruments. Et il me semble qu’est arrivé le moment de changer ce shéma.
Pour moi, une possibilité, voir un espoir de l’engagement de chacun, de façon durable et concrète est l’expérience à niveau local comme il peut y avoir au Venezuela avec les cercles bolivariens, comme il y a à Porto Alegre avec le budget participatif, comme il y a au Chili dans les Juntas de Vecinos ou les Comités des bidonvilles, ainsi que dans les favelas du Brésil, les communautés indigènes zapatiste ou mapuches. Là il y a engagement quotidien, durable et efficace, agir au niveau local pour toucher le global. C’est certes plus compliqué à mettre en place en France où les liens sociaux communautaires sont pratiquement inexistants mais qui aspirent à revivre. J’espère.